« Quand un problème reste trop longtemps un problème, ça devient une donnée »

13.04.2022

Il m’arrive de demander aux personnes que je rencontre quel est leur mantra favori : celui-ci m’a été transmis il y a bien des années et il n’y a pas une semaine où je n‘y pense pas !

Ne vous êtes-vous jamais arraché les cheveux, torturé l’esprit en constatant que, malgré vos nombreuses interventions, une situation ayant des conséquences désagréables pour vous n’évoluait pas favorablement ? Que ce soit une amie chère toujours en retard, un collègue répondant aux questions avec beaucoup de détails, une responsable remettant à plus tard une promotion, un conjoint distrait égarant régulièrement ses affaires… que faire lorsque l’on s’est déjà mobilisé plus d’une fois pour parler à la personne et que rien ne change ?

Deux vérifications préalables

Premièrement, s’assurer que la communication a été directe. Il y a en effet une grande différence entre « dire » et « faire comprendre ». Parfois, nous pensons avoir été d’une clarté limpide alors que nous n’avons fait qu’effleurer le sujet, par peur de brusquer ou de vexer. Nous n’avons pas formulé de demande concrète et explicite, remettant à l’autre le soin de deviner notre attente. Deuxièmement, nous demander si notre message était respectueux de la personne : avons-nous exposé les faits ou s’agissait-il de jugements ? Avons-nous parlé de nous, de nos besoins ou avons-nous critiqué, voire menacé l’autre ? Si l’un de ces deux points a pêché, il nous restera à remettre l’ouvrage sur le métier et à tenter une nouvelle approche.

Passer du problème à la donnée : un recadrage puissant

Sinon, peut-être sera-t-il temps de donner une autre lecture à la situation et considérer que ce que nous voyons comme une chose à changer (un problème) est en fait un élément immuable sur lequel nous n’avons aucune prise (une donnée). Est-ce à dire que nous sommes, dès lors, condamnés à subir et à nous sur-adapter en rongeant le frein de notre frustration ? Pas du tout. Ce changement de perspective produit un effet qui est, au contraire, libérateur. Admettre notre impuissance à avoir un quelconque impact sur cette réalité ouvre des pistes auxquelles notre esprit était fermé jusqu’alors. C’est comme si, obnubilés à obtenir un résultat par la pression, le charme, la menace ou quelque autre méthode, nous n’avions plus assez d’espace pour réfléchir de façon plus large. Pour Stephen R. Covey, dans son ouvrage «Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent», une des clés du succès et de la satisfaction personnelle est précisément de savoir se concentrer sur ce qu’il appelle le « cercle d’influence », c’est-à-dire les éléments sur lesquels nous avons un certain contrôle. À contrario, se focaliser sur le « cercle des préoccupations » (hors contrôle) n’amène que négativité et nous place en posture de victime.

Et concrètement ?

Si nous acceptons vraiment que notre amie soit toujours en retard, nous ne gaspillerons plus d’énergie à tout faire pour que ce soit différent et nous ne nous agacerons plus. Nous nous concentrerons sur ce que nous pouvons faire avec cette donnée : tricher sur les heures de rendez-vous ; aller la chercher lorsqu’il y a un avion à prendre ; me déplacer par moi-même ; cesser tout contact car ce défaut m’est insupportable ; etc. Passer du problème à la donnée me redonne le choix et, partant, de la puissance face aux événements. Et ça, c’est bon pour l’estime de soi … et des autres.


Fabienne Brugger Kaufmann, formatrice indépendante et psychologue du travail FSP, Cabinet Didisheim

2023-11-22T10:03:48+01:00
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